- Biwa traditionnel :
- L’imaginer entre les mains de quelque musicien de Perse, puis la route de la soie le fait passer en Chine où il devient “Pipa” . De là, il parvient au japon aux alentours du 7ème ou 8ème siècle, c’est le “Biwa”. D’abord instrument de cour, ‘il devint peu à peu l’instrument des samouraïs rythmant les aventures et les épopées. Il garde les traces de son héritage.
- Le Satsuma biwa (薩摩琵琶) , luth à quatre cordes (la – mi – la – si) et quatre frettes est peu à peu il fut utilisé par les musiciens aveugles ambulants (biwa hoshi 琵琶法師). Son plectre, à la manière d’un éventail, peut aussi servir d’arme.
Contrairement à son ancêtre chinois le pipa, qui a considérablement évolué, jusqu’à devenir un instrument à la musique raffinée, convenant bien à la musique de cour et des lettrés, le Biwa a peu changé au fil des siècles. Sa rugosité aux cordes frappées évoque bien le monde des samouraïs et son dénuement sans frivolité, implacable aux accents de long voyage, aux échos de la mélancolie des contrées japonaises. Le Bouddhisme et sa sagesse de renonciation, de longue maturation d’une existence qui tend finalement vers un seul but, réconciliant les événements violents et vains de l’existence empreint le chant que l’instrument accompagne.
De fait, les maitres de chant Bouddhique Shomyo enseignent ces techniques. Des guerriers samouraï aux moines aveugles chargés de les chanter, l’itinéraire de cette musique est parlant : les vicissitudes et les faits de guerre habitent ces chants mais c’est à ceux dont la mission est de réconcilier dans la paix, qu’il revient de les chanter. Le Bouddhisme et toute l’ambiguïté du Japon semble bien être là, dans cet écart entre les soubresauts des catastrophes et la nécessité de les racheter par une soumission à la beauté et à un détachement plein d’idéal. Maitre de guerre et maitre de thé comme dans le récit de Y Inoué sont les deux faces de ce pays pris entre les extrêmes et aspirant à l’unité, sans demi mesures.
Le chant rythmé par les cordes, frappées par un plectre dont on dit qu’il servait aussi d’arme, puise aux bouleversements et aux irruptions de l’âme humaine mais ne trouve sa justification que dans le rachat et la réconciliation. Ce grand mystère est confié aux arts, dans ce cas la musique dont les vibrations touchent l’âme et éclaire les ténèbres sans les nier. On y entend le silence et les chocs des actions de la vie terrestre. Comment ce situer dans cette plainte qui dure ?
On y entend les épopées, comme celles du Heike, narrées, ponctuées dans le silence, lentement soutenues, chantées autrefois par les guerriers puis par les moines errants de la confrérie des aveugles Tōdōza. On y entend les échos du 12 siècle, de cet affrontement des clans opposant Taira et Genji dans une guerre où les Taira furent annihilés, du grand tremblement de terre de 1185, de cette époque de bouleversement où tout concourait à répandre le sentiment que les esprits des tairas morts ravageaient le pays. Les chants de la geste de Heike devaient racheter cette paix et apaiser les esprits et c’est ce que les moines mendiants chantaient. Ces chants reviennent de loin, ils sont les héritiers de cette tumultueuse histoire japonaise, de cette sagesse prise entre cruauté et détachement, magnifique tentative d’équilibre, de réconciliation des forces. Les entend on encore ? Il y a une grande souffrance dans ces chants profonds qui est perceptible et qu’il faut apaiser.
Ces chants, issus de la pensée et des techniques de chant bouddhique shomyo, comme une liturgie historique, sont empreints d’un engouement poignant, âpre comme le destin mais semblent rechercher cette paix qui vient après que l’acceptation et le repos aient pu s’installer. Elles sonnent, elles narrent, elles frappent, versets épiques sans fin. La voix et le timbre vont de village en villages s’inscrivant dans le cœur sombre et profond du pays. Sans autre échappée. Ce bois, par exemple, dont le corps de l’instrument est fait et que l’on ne trouve que dans une seule montagne du japon, n’est ce pas une note forte frappée à l’esprit du pays, une allusion à la densité du cœur japonais et de ses accents intranquilles, pourtant sans pathos ?
Au Japon, la modernité semble souvent plonger dans une matière ancienne et ramener avec elle l’essence du pays. Ainsi quelque chose de mystérieux sans arrêt infuse. En 1967, le maître Tsuruta joua pour la première fois du Biwa avec un orchestre occidental pour l’exécution de la pièce de Toru Takemitsu : November steps. Il fit découvrir au monde entier la beauté profonde du Biwa.
Junko Ueda, élève du maitre Kinshi Tsuruta ( style Tsuruta de Satsuma-Biwa-) et du maitre de chant Bouddhiste shomyo, Kôshin Ebihara de l’école Tendai, est une spécialiste des oeuvres pour Biwa de Toru Takemitsu et tente de répandre l’esprit antique ainsi que du bouddhisme à l’émotion contemporaine.
La tradition épique du “Heike Monogatari”, reflète parfaitement , je crois l’esprit de notre monde moderne et ses événements tragiques d’une émotion humaine universelle et les idées bouddhiste de causalité et d’impermanence . Jez tente avec passion d’interpréter cette musique traditionnelle devant un auditoire contemporain en ramenant l’espace et le temps pour partager un sens de l’essence de l’humanité. Tenter ainsi de plonger les sonorités anciennes dans notre époque moderne
Pour continuer :
Notation pour le Biwa
Histoire du Biwa
site de Junko Ueda
BSX caravan ueda en duo
Introduction à la musique japonaise
Musiques traditionnelles du japon
Sur le Shomyo
Shomyo
L’enseignement du chant shomyo par Benoit Jacquot
Sound of Shomyo